Pénurie et obsolescence des compétences, la formation en première ligne

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Pour le premier épisode de Parlons d’Impact, le nouveau live talk d’OpenClassrooms, Isabelle Narbéburu, secrétaire générale et DRH du groupe Prisma Media, et Luc Ferry, philosophe, écrivain et ancien ministre de l’Éducation nationale et Pierre Dubuc, CEO d’OpenClassrooms, ont partagé leur vision (l’une business, l’autre plus sociétale) de la transformation des métiers. Une discussion riche et passionnante sur le rôle éminent de la formation continue pour parer l’obsolescence des compétences.

Ces 50 dernières années, la digitalisation de notre société a généré une baisse de la durée de vie de certaines compétences au sein des entreprises. Une situation qui implique un nouveau challenge de taille à l’échelle de la société : former et éduquer de plus en plus d’individus, sans distinction d’âge, de niveau d’études ou d’activité professionnelle.

Au sortir des écoles, les jeunes diplômés devront s’inscrire tôt dans un parcours de formation en continu. On estime qu’un jeune arrivant aujourd’hui sur le marché du travail connaîtra une quinzaine de métiers différents sur l’ensemble de sa carrière ! Quant aux personnes en poste, elles devront également se reconvertir, monter en compétences et repartir dans des cycles, ponctuels mais réguliers, de formation. Au niveau mondial, on estime qu’un milliard de personnes devront être re-formées d'ici 2030 - un défi immense que relèvent nos intervenants.

Pour visualiser les meilleurs moments du webinaire, c’est par ici :

Isabelle Narbéburu, secrétaire générale et DRH du groupe Prisma Media, Luc Ferry, philosophe, écrivain et ancien ministre de l’Éducation nationale et Pierre Dubuc, CEO d’OpenClassrooms, partagent leur vision de la transformation des métiers.

L’intelligence artificielle au coeur de la transformation des métiers et des tâches

Pour comprendre les mutations à l'œuvre dans le milieu professionnel, les métiers et les compétences, il est important de saisir le contexte environnant et les évolutions récentes ayant touché le monde du travail.

Comme l’explique Luc Ferry, “nous sommes rentrés dans une troisième révolution industrielle, celle du numérique et de l'intelligence artificielle.”

L’intelligence artificielle (IA) fonctionne grâce à la puissance des ordinateurs, la qualité des algorithmes et la quantité de datas qui nourrissent les machines. Ces 3 paramètres permettent à l’IA d’aller toujours plus loin.

L’économie collaborative est née de l’IA. Elle a des modèles caractéristiques comme Uber ou Airbnb… Et en vérité, c’est une économie très conflictuelle : grâce à l’intelligence artificielle, des non-professionnels peuvent “ubériser” dans le quart d’heure des professionnels de la profession, et c’est cela qui s’apprête à bouleverser les tâches et les métiers.
— Luc Ferry • Ancien Ministre de l’éducation nationale et professeur de philosophie

Pour l’ancien ministre de l’Éducation nationale, l'intelligence artificielle contribue à supprimer ou réduire les tâches professionnelles à faible valeur ajoutée, sans nécessairement annihiler les métiers. Une chose est sûre : la majeure partie des métiers sera impactée. L’important pour les individus sera d’anticiper les évolutions appliquées à leur branche d’activité ou de savoir se réinventer. Pour ce faire, la formation promet de jouer un rôle crucial.

Luc Ferry distingue deux métiers d'avenir aujourd'hui, “ceux issus des biotechnologies, et du secteur de la formation permanente en ligne.”

Du côté des entreprises, ce constat a parfois déjà été fait, et des initiatives ont été mises en place pour y répondre.

A Prisma Media, on essaye de mettre en place une politique qui favorise l’égalité des chances et l’inclusion de tous les profils par rapport à cette transformation sectorielle, technologique, etc. Aujourd’hui, tous les métiers sont irrigués par l’IA. Les processus sont numérisés, les contrats de travail et les factures sont dématérialisés.
— Isabelle Narbeburu • DRH de Prisma Media

Pour Isabelle, cette situation n’est pas négative, au contraire. Elle permet à de nombreux collaborateurs de se recentrer sur de l'analytique, du conseil ou des éléments plus stratégiques, comme le pilotage économique ou la finance.

Formation “pair à pair” et mentorat : la transformation digitale par l’humain

Créer une culture de la confiance dans l’organisation

Pour atteindre un équilibre et une productivité optimale, il est nécessaire d’aider les collaborateurs à acquérir de nouvelles compétences numériques. Pour cela, l’enjeu des Ressources Humaines au sein de Prisma Media est de commencer par donner confiance aux collaborateurs, pour les inciter à rester dans l’entreprise et monter en compétences.

Pour atteindre cet objectif, il faut créer un environnement de confiance - à la fois vis-à-vis de l’employeur, mais aussi entre les collaborateurs.

Nous avons une culture très forte chez Prisma. Cette confiance des collaborateurs est vraiment sincère et réelle. Elle leur permet de prendre des chemins de traverse, de faire des rebonds, des reconversions, dans la mesure où l’entreprise a une politique volontariste de l’emploi, de sécurisation de l’emploi.
— Isabelle Narbeburu • DRH de Prisma Media

S’appuyer sur les collaborateurs pour enclencher un transfert de compétences

Au-delà de l’environnement et de la culture propice au développement professionnel des collaborateurs, Isabelle Narbéburu considère la formation comme essentielle au renouvellement des compétences numériques. “On est dans un processus d'acculturation numérique assez dirigiste via les plans de formation”, affirme-t-elle.

À Prisma, le plan de formation s’appuie sur deux piliers :

  • un volet dit collectif, pour répondre à des besoins communs à tous les collaborateurs en lien avec la stratégie de l’entreprise ;

  • un deuxième volet plus individuel, centré sur les besoins de l'individu liés à un projet personnel ou professionnel.

Pour assurer le succès des initiatives de formation, le format online joue un rôle crucial :

La formation chez nous a beaucoup évolué grâce au numérique. Avant, on créait des formations assez standardisées, massifiées... On était dans une salle de classe. Maintenant, on peut utiliser tous les formats qu’offre le numérique : le podcast, la vidéo, les MOOCs, l’hybride, etc... On peut également appuyer les formations sur le peer to peer.
— Isabelle Narbeburu • DRH de Prisma Media

L’apprentissage pair à pair et la composante humaine sont cruciaux dans la formation en ligne. Isabelle Narbéburu a évoqué une initiative permettant à des collaborateurs de se former aux métiers de data engineer, data scientist et du cloud :

« Nous avons eu une cinquantaine de collaborateurs volontaires. C'est vraiment extraordinaire ! C'est énormément d'efforts et beaucoup de travail. Ils ont créé une véritable communauté apprenante. Ils apprennent et progressent ensemble. » 

Le soutien de ses pairs et l’accompagnement de mentors a un impact extrêmement positif sur l’engagement global d’un individu. La formation devient un vecteur d’inclusion et un moteur pour maintenir la motivation de chacun.

L’économie du bonheur et la quête de sens : futurs de la formation ?

Pour conclure l’échange, nous avons demandé à nos invités comment ils voyaient le futur de la formation professionnelle. 

Luc Ferry la considère comme un levier puissant de soutien d’une nouvelle économie, qu’il désigne comme “l’économie du bonheur” :

Les idéologies du bonheur se développent de manière exponentielle un peu partout en Occident, venant des Etats-Unis avec la psychologie positive.
— Luc Ferry • Ancien Ministre de l’éducation nationale et professeur de philosophie

Les collaborateurs cherchent désormais du sens dans leur métier. Ils questionnent l’impact de leur employeur sur la société et sont en quête d’épanouissement personnel dans leurs activités personnelles. Pour Luc Ferry, ces nouvelles attentes des collaborateurs ont un lien fort avec la formation permanente en ligne. 

De nombreuses personnes ont perdu leur emploi ou ont subi un chômage partiel au cours des 2 dernières années. On a d’ailleurs observé des départs en masse dans certains secteurs aux conditions de travail difficiles comme la restauration et l'hôtellerie. Désormais, les notions de sens, de bonheur, d'équilibre vie professionnelle / personnelle, d'alignement des valeurs sont autant d’éléments que les responsables des Ressources Humaines doivent prendre en compte dans leurs réflexions stratégiques. 

Pour accompagner cette quête de sens, la formation fera la différence. 

« La formation sera absolument cruciale pour garder son emploi, mais aussi pour être bien dans son emploi et ne pas être malheureux », a conclu Luc Ferry.

Astrid Bertout

Passionnée par l'éducation, Astrid écrit sur de nombreux sujets pour guider les entreprises à faire face aux enjeux de la transformation digitale. Du recrutement à la formation, son objectif est de vous aider à développer les compétences de vos talents.

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