C'est quoi, une formation réussie ? Les témoignages croisés de nos experts
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Dans son dernier rapport, le World Economic Forum estime que 50% des salariés auront besoin d’une requalification d’ici 2025, pour s’adapter aux constantes mutations du monde du travail. La révolution des compétences est en marche, elle est massive, et il devient donc stratégique d’identifier les facteurs-clefs de succès d’un plan de formation afin d’en mesurer l’efficacité et le retour sur investissement. Pour mieux comprendre ces enjeux, Isabelle Rouhan, entrepreneure et directrice du cabinet de recrutement Colibri Talent a échangé pour nous avec Bruno Fournet, DRH de Disneyland Paris et Mathieu Nebra, cofondateur d’OpenClassrooms.
Aligner la politique de formation avec sa stratégie business
Du point de vue de l’entreprise, les fondations d’un plan de formation pertinent et solide reposent sur la capacité à aligner celui-ci sur la stratégie de la société et sur sa politique RH. « Il faut aligner la politique de formation avec les enjeux de l’entreprise, de sa stratégie et avec les besoins terrain » recommande Bruno Fournet. Concrètement, lorsque Disneyland Paris élabore un projet de formation, trois étapes se succèdent pour en garantir la pertinence.
D’abord une phase de diagnostic, en lien avec le business, pour évaluer le besoin et s’assurer du fait que la formation ne vient pas occulter une problématique organisationnelle ou de motivation préexistante.
Ensuite, une étude approfondie du public cible à former, pour proposer la bonne ingénierie pédagogique et lever les éventuels blocages.
Enfin, la détermination de l’objectif pédagogique de manière concrète, avec une formalisation en amont et une mesure en aval.
De son côté, Mathieu Nebra a mené quelques recherches sur ce thème, qui lui ont permis d’identifier les ingrédients du succès du point de vue des apprenants. Sans surprise, la motivation est clé : « Le succès d’un plan de formation dépend du suivi dans la durée des personnes formées. Le fait d’avoir un processus de sélection qui évalue en amont la motivation et le niveau pré-requis augmente de 62% les chances de succès d’un parcours de formation » explique le Chief Innovation Officer de la plateforme OpenClassrooms.
Le mentorat est également différenciant, particulièrement dans le cadre de formations longues. C’est pour cette raison que l’organisme prévoit dans ses parcours - diplômants et qualifiants - un mentorat hebdomadaire.
Enfin, la validation des prérequis, pour savoir si le candidat a le niveau pour suivre le programme qu’il vise, et si son intérêt est bien aligné avec son besoin métier. Très concrètement, les conclusions de Mathieu Nebra démontrent que le succès d’un plan de formation dépend du suivi dans la durée des personnes formées.
Une feuille de route planifiée sur un an
De son côté, pour aligner au mieux la valeur ajoutée de son plan de formation annuel aux enjeux business de l’entreprise, Disneyland Paris élabore sa feuille de route presque un an à l’avance. Elle se construit sur les étapes suivantes :
Au printemps, un recueil du besoin de montée en compétences auprès de chaque direction de l’entreprise ;
Durant l’été, une phase de conception des programmes à venir ;
À l’automne, une restitution aux métiers et aux organisations syndicales, afin de pouvoir enclencher la mise en œuvre dès le début de l’année suivante.
Avec 16 500 collaborateurs exerçant plus de 500 métiers, la tâche est immense. 400 000 heures de formation sont dispensées par Disneyland Paris chaque année. Elles permettent de répondre à des impératifs réglementaires, d’intégrer les 8000 contrats saisonniers dépourvus d’expérience métier lorsqu’ils rejoignent le groupe, ou encore de renforcer la culture de l’entreprise notamment autour de la notion de leadership.
« On vit une époque formidable en termes de formation : les attentes des apprenants se transforment, les nouvelles technologies aident également à améliorer l’expérience collaborateur. On note aussi un besoin d’autonomie accru, et c’est passionnant » s'enthousiasme Bruno Fournet.
Pour Mathieu Nebra, les chiffres concernant OpenClassrooms sont tout aussi ambitieux.
Le retour à l’emploi, meilleur indicateur de réussite d’une formation
Qui dit formation, dit requalification. Pour nos experts, il convient d’en distinguer deux types :
L’up-skilling, qui consiste à ajouter une compétence ou un bloc de compétences à son profil.
Le re-skilling, qui est un changement complet d’orientation professionnelle et nécessite un parcours de formation long.
Si l’efficacité de l’up-skilling peut être quantifiée relativement facilement ; par la mesure de la probabilité qu’une formation soit suivie jusqu’au bout, ou encore du nombre d’heures de formation utilisées, ou la satisfaction de l’apprenant et de son manager… Il est bien plus complexe de valider l’efficacité d’un reskilling complet. Un bon indicateur est de savoir si la personne formée a changé de métier, au sein de son entreprise ou en dehors. Mais l’information sur une évolution de son titre ou de son salaire n’est pas toujours disponible, et le retour sur investissement est donc particulièrement complexe à chiffrer.
Mathieu Nebra synthétise : « On mesure le succès des formations par le taux de positivité à l’emploi, c’est à dire le retour à l’emploi des personnes concernées. Cela passe aussi par le fait d’avoir une promotion ou une augmentation. » Bruno Fournet complète ce diagnostic en insistant sur « la nécessité de formuler en amont un objectif à atteindre en lien avec le business de l’entreprise, et de valider a posteriori les changements de comportement sur le terrain, en concertation avec le manager. »