Pourquoi faut-il recruter des développeurs low code ? Le pari d'Alexandre Husset, COO d'Ezacae
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L'univers du développement est en constante mutation, et le Low Code, ou plus précisément le Visual Programming, redessine les contours des métiers techniques. Loin d'être un simple phénomène de mode, il s'impose comme une approche pragmatique pour accélérer le développement et permettre aux entreprises de gagner en agilité. Mais comment s'y retrouver ? Quels profils rechercher ? Comment former ses équipes ou recruter les talents de demain dans ce domaine ?
Pour y voir plus clair sur ces enjeux cruciaux de recrutement et de développement des compétences Low Code, nous avons échangé avec Alexandre Husse, co-fondateur et COO de Ezacae, une agence spécialisée dans le conseil et le développement de solutions en Low Code. Il nous partage sa vision du marché et les clés pour identifier, former et intégrer les profils qui feront la différence.
Bonjour Alexandre, merci de prendre le temps de cet échange. Pour commencer, pourriez-vous nous présenter votre parcours et l'activité de Ezacae ?
Je suis cofondateur et COO de Ezacae, une agence créée en 2022 et lancée début 2023, qui accompagne les entreprises dans le choix et le développement d'applications web et mobiles basées sur des solutions Low Code. Forts d'une expérience préalable dans une start-up et le conseil, nous aidons nos clients à naviguer cet écosystème en pleine évolution et à construire des outils performants adaptés à leurs besoins spécifiques.
Le Low Code a connu plusieurs phases. Où en sommes-nous aujourd'hui selon vous, et pourquoi les entreprises peinent-elles encore à trouver les bons profils ?
C'est vrai, on a vu différentes étapes. Initialement, le Low Code et le No Code étaient souvent associés aux « citizen developers » ou aux personnes en reconversion. Il y a eu ensuite une phase où les développeurs plus classiques étaient sceptiques. Aujourd'hui, nous sommes clairement dans une troisième phase où les développeurs expérimentés s'intéressent de plus en plus aux outils de Visual Programming pour accélérer certaines tâches, tout en reconnaissant que cela nécessite une compréhension fine de l'informatique. Le défi pour les entreprises est de trouver des profils qui comprennent cette valeur ajoutée et qui sont prêts à adopter ces outils. Une des raisons de la difficulté de recrutement est la perception : certains développeurs traditionnels ne voient pas encore l'intérêt ou craignent que cela dévalorise leurs compétences.
Vous faites une distinction importante entre No Code et Visual Programming. Pourriez-vous nous l'expliquer ?
C'est une distinction cruciale pour les entreprises qui choisissent des outils et définissent leurs besoins en recrutement. Les outils de No Code, comme Bubble ou Power Apps, permettent de construire des applications principalement par configuration, sans accès direct au code. C'est puissant pour des cas d'usage spécifiques mais limité pour des besoins complexes. Le Visual Programming, représenté par des outils comme WeWeb ou Flutterflow, est différent. On utilise des interfaces visuelles pour définir la logique, mais derrière, il y a bien du code, et sur certaines plateformes, on peut y accéder. C'est une évolution des environnements de développement classiques. On continue de faire de la logique et de l'architecture, mais de manière plus intuitive visuellement. Comprendre cette différence est essentiel pour choisir les bons outils et évaluer les compétences réellement nécessaires.
Alors, quel serait le profil idéal d'un développeur Low Code pour une entreprise aujourd'hui ? Quels sont les critères essentiels au-delà des compétences techniques pures ? C'est un point clé pour les recruteurs.
À l’heure de recruter chez Ezacae, nous ne recherchons pas forcément quelqu'un avec un diplôme classique d'ingénieur en informatique. Ce qui est essentiel, c'est d'avoir une bonne compréhension des fondamentaux de l'informatique et de l'architecture logicielle, une appétence technique forte, et surtout, une connaissance du métier ou du domaine fonctionnel concerné.
Un profil « technico-fonctionnel » qui comprend à la fois les enjeux business et la logique technique, avec une curiosité, une capacité à se remettre en question et à challenger les solutions, c'est juste royal. Les outils évoluent très vite, il faut donc des talents qui aiment apprendre. Les « soft skills », comme la rigueur et la curiosité, sont primordiales pour réussir et construire des solutions robustes et adaptées. « Le mindset » est aussi important, sinon plus, que la maîtrise initiale d'un outil spécifique. Le développeur Low Code idéal est avant tout très bon pour résoudre des problèmes.
L'IA est omniprésente aujourd'hui. Quel est son impact sur le développement Low Code et sur le type de compétences recherchées, notamment ce mindset que vous évoquez ?
Les LLM, comme ChatGPT, sont d’une aide précieuse et peuvent accélérer certaines tâches. Cependant, il faut être très vigilant. L'IA fournit une réponse parmi une multitude, et cette réponse n'est pas toujours la plus pertinente ou celle qui respecte les bonnes pratiques, surtout en termes d'architecture. J'ai vu des développeurs perdre du temps avec un code erroné suggéré par une IA parce qu'ils n'avaient pas le recul ou la connaissance fondamentale pour challenger cette proposition.
Il ne faut surtout pas faire confiance aveugle à l'IA. Il faut tester, utiliser, mais toujours vérifier, corriger, et appliquer son bon sens et sa compréhension technique. L'IA est un assistant puissant, mais elle ne remplace pas l'expertise humaine, surtout la capacité à penser l'architecture, à avoir un esprit critique et la rigueur nécessaire. L'IA renforce la nécessité d'un jugement humain aiguisé.
Cette facilité apparente des outils Low Code ne présente-t-elle pas des risques pour les entreprises, notamment en termes de qualité et de maintenabilité des applications développées si les utilisateurs n'ont pas cette rigueur ?
Absolument, c'est un point essentiel sur lequel nous insistons et un risque pour les entreprises. La facilité des outils Low Code peut engendrer un biais : l'oubli des bonnes pratiques de développement. On peut être tenté d'aller vite, de ne pas bien nommer ses composants, de négliger l'architecture... ce qui nuit à la qualité et à la maintenabilité.
C'est pourquoi la rigueur est fondamentale. Même en Low Code, il faut comprendre les processus de développement : la gestion des tickets, le cycle de vie d'un projet, les phases de test... Chez Ezacae, nous avons même développé un outil qui analyse la qualité du code généré par ces plateformes. Pour les entreprises qui recrutent, s'assurer de cette rigueur chez les candidats est primordial pour garantir la robustesse des solutions.
Développer ce mindset et cette rigueur, ça s'apprend. Vous avez collaboré avec OpenClassrooms, notamment sur la formation Low Code. Comment percevez-vous notre approche pour former ces profils recherchés par les entreprises ?
La rencontre s'est faite au No code Summit. J'ai échangé avec Déborah, qui est Learning Product Manager chez OpenClassrooms. Notre vision du Low Code a tout de suite résonné. Suite à cette belle rencontre, elle m'a sollicité pour revoir le parcours de formation Low Code.
J'ai trouvé la structure du parcours très bien pensée et très pertinente pour développer les qualités que nous recherchons. L'approche 'bootcamp' pour donner une base solide est pertinente. Ayant moi-même suivi une formation développeur front chez OpenClassrooms par le passé, j'ai retrouvé cette qualité dans la décomposition des projets : on se concentre sur une problématique à la fois (le front, le back, l'intégration...), ce qui permet d'avoir un bon découpage et de bien comprendre l'architecture logicielle. Le système de mentorat hebdomadaire est aussi un point fort indéniable pour accompagner l'apprenant. Ce type de formation structurée, axée projet et fondamentaux, est essentiel pour développer la rigueur, la capacité de conception et ce fameux don pour résoudre des problèmes, indispensables pour un bon développeur Low Code, qu'il soit junior ou en reconversion. L'alternance, en combinant cette formation structurée et la pratique en entreprise, est une excellente voie pour développer ces profils.
Chez Ezacae, comment choisissez-vous les outils Low Code avec lesquels vous travaillez et que conseilleriez-vous aux entreprises qui débutent ?
Nous évaluons constamment l'écosystème, qui est très dynamique. Nos critères de sélection incluent le prix, les fonctionnalités, mais surtout la possibilité de récupérer le code généré et les capacités full-stack. Nous maintenons une 'shortlist'. Pour les applications web, notre stack préféré est WeWeb pour le front et Xano pour le back-end. Ce sont des outils que nous maîtrisons, avec lesquels nous sommes partenaires, et qui correspondent à notre philosophie du Visual Programming permettant de construire des applications robustes et scalables. Pour les entreprises, choisir les bons outils alignés avec leurs besoins et une vision à long terme est crucial.
Pour conclure, si vous deviez donner les deux ou trois points clés à retenir pour une entreprise qui souhaite réussir sa transition Low Code et recruter les bons talents, quels seraient-ils ?
Les points clés sont :
1. Comprendre que le Low Code est un levier, pas une solution miracle qui se passe de compétences. Il libère les développeurs des tâches répétitives pour qu'ils se concentrent sur l'architecture et la conception. Pour ceux sans « background technique » lourd mais avec une forte appétence, c'est une formidable opportunité d'accéder au développement en s'appuyant sur leur connaissance métier. Montrez cette valeur à vos équipes.
2. Prioriser le Mindset Au-delà de la maîtrise d'un outil, recrutez sur la curiosité, la rigueur, la capacité à résoudre des problèmes et une bonne compréhension des fondamentaux. C'est ce qui garantira la qualité et la scalabilité de vos applications Low Code.
3. Investir dans la Formation Structurée : Le bon mindset a besoin d'être structuré par des connaissances solides en architecture logicielle et processus de développement. Des formations comme celles d'OpenClassrooms, avec mentorat et approche projet, sont essentielles pour développer ces compétences et cette rigueur, que ce soit via de l'upskilling interne ou le recrutement d'alternants. Recruter le bon mindset et le former correctement est la clé pour construire des équipes Low Code performantes.